• Guillaume apollinaire

    Marie Laurencin- Apolinaire et ses amis Musée de Baltimore

     

    Les poètes

        Au siècle qui s'en vient hommes et femmes fortes
        Nous lutterons sans maîtres au loin des cités mortes
        Sur nous tous les jours le guillotiné d'en haut
        Laissera le sang pleuvoir sur nos fronts plus beaux.

        Les poètes vont chantant Noël sur les chemins
        Célébrant la justice et l'attendant demain
        Les fleurs d'antan se sont fanées et l'on n'y pense plus
        Et la fleur d'aujourd'hui demain aura vécu.

        Mais sur nos cœurs des fleurs séchées fleurs de jadis
        Sont toujours là immarcescibles à nos cœurs tristes
        Je marcherai paisible vers les pays fameux
        Où des gens s'en allaient aux horizons fumeux

        Et je verrai les plaines où les canons tonnèrent
        Je bercerai mes rêves sur les vastes mers
        Et la vie hermétique sera mon désespoir
        Et tendre je dirai me penchant vers Elle un soir

        Dans le jardin les fleurs attendent que tu les cueilles
        Et est-ce pas ? ta bouche attend que je la veuille ?
        Ah ! mes lèvres ! sur combien de bouches mes lèvres ont posé
        Ne m'en souviendrai plus puisque j'aurai les siennes

        Les siennes Vanité ! Les miennes et les siennes
        Ah ! sur combien de bouches les lèvres ont posé
        Jamais jamais heureux toujours toujours partir
        Nos pauvres yeux bornés par les grandes montagnes

        Par les chemins pierreux nos pauvres pieds blessés
        Là-bas trop [près] du but notre bâton brisé
        Et la gourde tarie et la nuit dans les bois
        Les effrois et les lèvres l'insomnie et les voix

        La voix d'Hérodiade en rut et amoureuse
        Mordant les pâles lèvres du Baptiste décollé
        Et la voix des hiboux nichés au fond des yeuses
        Et l'écho qui rit la voix la voix des en allés

        Et la voix de folie et de sang le rire triste
        De Macbeth quand il voit au loin la forêt marcher
        Et ne songe pas à s'apercevoir des reflets d'or
        Soleil des grandes lances des dendrophores

    Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)


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