• La connais-tu, Dafné cette ancienne romance,
    Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,
    Sous l'olivier, le myrte, ou les saules tremblants,
    Cette chanson d'amour qui toujours recommence?...
    Reconnais-tu le Temple au péristyle immense,
    Et les citrons amers où s'imprimaient tes dents,
    Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
    Où du dragon vaincu dort l'antique semence?
    Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours!
    Le temps va ramener l'ordre des anciens jours;
    La terre a tressailli d'un souffle prophétique...
    Cependant la sibylle au visage latin
    Est endormie encor sous l'arc de Constantin
    - Et rien n'a dérangé le sévère portique.

    Gérard de Nerval


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  • Nuits partagées

           Je m'obstine à mêler des fictions aux redoutables réalités. Maisons inhabitées, je vous ai peuplées de femmes exceptionnelles, ni grasses, ni maigres, ni blondes, ni brunes, ni folles, ni sages, peu importe, de femmes plus séduisantes que possible, par un détail. Objets inutiles même la sottise qui procéda à votre fabrication me fut une source d'enchantements. Êtres indifférents, je vous ai souvent écoutés, comme on écoute le bruit des vagues et le bruit des machines d'un bateau, en attendant délicieusement le mal de mer. J'ai pris l'habitude des images les plus inhabituelles. Je les ai vues où elles n'étaient pas. Je les ai mécanisées comme mes levers et mes couchers. Les places, comme des bulles de savon, ont été soumises au gonflement de mes joues, les rues à mes pieds l'un devant l'autre et l'autre passe devant l'un, devant deux et fait le total, les femmes ne se déplaçaient plus que couchées, leur corsage représentant le soleil. La raison, la tête haute, son carcan d'indifférence, lanterne à tête de fourmi, la raison, pauvre mât de fortune pour un homme affolé, le mât de fortune du bateau...voir plus haut.


           Pour me trouver des raisons de vivre, j'ai tenté de détruite mes raisons de t'aimer. Pour me trouver des raisons de t'aimer, j'ai mal vécu.

    Paul Eluard


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  • Un oiseau est venu dans mon jardin,

    De son oeil perçant ,de bonheur ce matin,

    Il m'a regardé d' un petit air vaillant.

    De crainte il n'avait nullement.

    Ses plumes douces et grises,

    se soulevaient légères sous la bise!

    Son bec blond était entr'ouvert,

    Au bout se tortillait un vers!

    Petit oiseau dans le ciel ,

    Tu prendras ton envol

    Rejoindras les nuages a tire- d'aile!

    Mon jeune ami tu es parti et je m'étiole!

    MARIE.

    Mésange

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  •                                          Cet Amour!

     

    Cet amour 
    Si violent 

    Si fragile 

    Si tendre 

    Si désespéré 

    Cet amour 

    Beau comme le jour 

    Et mauvais comme le temps 

    Quand le temps est mauvais 

    Cet amour si vrai 

    Cet amour si beau 

    Si heureux 

    Si joyeux 

    Et si dérisoire 

    Tremblant de peur comme un enfant dans le noir 

    Et si sûr de lui 

    Comme un homme tranquille au milieu de la nuit 

    Cet amour qui faisait peur aux autres 

    Qui les faisait parler 

    Qui les faisait blêmir 

    Cet amour guetté 

    Parce que nous le guettions 

    Traqué blessé piétiné achevé nié oublié 

    Parce que nous l'avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié 

    Cet amour tout entier 

    Si vivant encore 

    Et tout ensoleillé 

    C'est le tien 

    C'est le mien 

    Celui qui a été 

    Cette chose toujours nouvelles 

    Et qui n'a pas changé 

    Aussi vraie qu'une plante 

    Aussi tremblante qu'un oiseau 

    Aussi chaude aussi vivante que l'été 

    Nous pouvons tous les deux 

    Aller et revenir 

    Nous pouvons oublier 

    Et puis nous rendormir 

    Nous réveiller souffrir vieillir 

    Nous endormir encore 

    Rêver à la mort 

    Nous éveiller sourire et rire 

    Et rajeunir 

    Notre amour reste là 

    Têtu comme une bourrique 

    Vivant comme le désir 

    Cruel comme la mémoire 

    Bête comme les regrets 

    Tendre comme le souvenir 

    Froid comme le marbre 

    Beau comme le jour 

    Fragile comme un enfant 

    Il nous regarde en souriant 

    Et il nous parle sans rien dire 

    Et moi j'écoute en tremblant 

    Et je crie 

    Je crie pour toi 

    Je crie pour moi 

    Je te supplie 

    Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s'aiment 

    Et qui se sont aimés 

    Oui je lui crie 

    Pour toi pour moi et pour tous les autres 

    Que je ne connais pas 

    Reste là 

    Là où tu es 

    Là où tu étais autrefois 

    Reste là 

    Ne bouge pas 

    Ne t'en va pas 

    Nous qui sommes aimés 

    Nous t'avons oublié 

    Toi ne nous oublie pas 

    Nous n'avions que toi sur la terre 

    Ne nous laisse pas devenir froids 

    Beaucoup plus loin toujours 

    Et n'importe où 

    Donne-nous signe de vie 

    Beaucoup plus tard au coin d'un bois 

    Dans la forêt de la mémoire 

    Surgis soudain 

    Tends-nous la main 

    Et sauve-nous. 

                                                                  

     

     Jacques Prévert


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  • Qu'importe qu'en un jour on dépense une vie,

    Si l'on doit en aimant épuiser tout son coeur,

    Et doucement penché sur la coupe remplie,

    Si l'on doit y goûter le nectar du bonheur. 

     Est-il besoin toujours qu'on achève l'année ?

    Le souffle d'aujourd'hui flétrit la fleur d'hier ;

     Je ne veux pas de rose inodore et fanée ;

    C'est assez d'un printemps, je ne veux pas d'hiver.

    Une heure vaut un siècle alors qu'elle est passée ;

     Mais l'ombre n'est jamais une soeur du matin.

    Je veux me reposer avant d'être lassée ;

    Je ne veux qu'essayer quelques pas du chemin.

    Elisa Mercoeur .


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